Le gouvernement Legault s’apprête à déposer le projet de loi 91, visant la création de tribunaux unifiés de la famille (TUF), sous le principe : une famille, un juge.
Si cette réforme se veut une simplification du système judiciaire en matière familiale, elle soulève de sérieuses inquiétudes quant à ses impacts sur les femmes victimes de violence conjugale, sexuelle ou genrée.
Une médiation obligatoire, aux conséquences lourdes
Le projet de loi impose la médiation pour les couples en union civile ou parentale. Une exemption est prévue en cas de violence, mais c’est au juge de déterminer si le motif est recevable — sans cadre d’analyse clair ni référence aux dynamiques spécifiques de la violence conjugale.
En cas de refus jugé non fondé, la personne pourrait être tenue de payer les frais de justice, voire les honoraires de la partie adverse. Ce risque pourrait pousser de nombreuses femmes à accepter une médiation dangereuse, par peur de ne pas être crues ou protégées.
Dans un contexte de pouvoir déséquilibré, cette faille pourrait être exploitée par des conjoints violents pour affaiblir la parole de leur ex-conjointe et l’entraîner dans un processus nocif.
Une formation judiciaire floue
Le projet mentionne une formation pour les juges en matière de violence conjugale, mais sans détails sur son contenu ni les acteurs impliqués. L’absence de collaboration avec les groupes spécialisés soulève des craintes : une formation trop théorique, éloignée du terrain, incapable de saisir la complexité des situations vécues.
Un soutien aux victimes toujours insuffisant
Le projet de loi 91 ne prévoit aucune mesure concrète pour améliorer l’accès à la justice des victimes. Il ne renforce ni le programme Rebâtir, ni les services fragilisés par les coupes récentes.
Les femmes non représentées, déjà en difficulté pour faire valoir leurs droits, risquent d’être encore plus vulnérabilisées.
Une question troublante
Que deviendra la parole des femmes qui n’ont pas porté plainte ? Leur vécu sera-t-il jugé insuffisant pour refuser une médiation ? Si oui, ce serait une régression majeure, punissant celles qui, par peur ou pour protéger leurs enfants, n’ont pas entamé de démarches judiciaires.
Une vigilance nécessaire
Tel que rédigé, le projet de loi 91 menace les droits et la sécurité des femmes victimes de violence. Il est impératif que les organismes spécialisés soient pleinement impliqués dans cette réforme, afin d’éviter que la justice familiale ne devienne un espace de plus d’exclusion.